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Les nouvelles en provenance d'Addis-Abeba ne sont pas encourageantes. La cérémonie d'ouverture du Dialogue intercongolais - Dialogue qualifié par plus d'un de « réunion de la dernière chance », a eu lieu, dans la capitale de l'Ethiopie, en l'absence des Chefs des parties belligérantes. J. P. Bemba (MLC) - emboîtant le pas à J. Kabila (gouvernement de Kinshasa) qui, au départ, avait annoncé qu'il ne sera pas de la partie -, n'a pas quitté son quartier général de Gbadolite. A. Onusumba (RCD-Goma), par contre, a fait le déplacement d'Addis-Abeba, mais y ayant constaté l'absence de ses « collègues », Présidents des « Républiquettes », a préféré rester dans sa chambre d'hôtel.
Il va sans dire que cette nouvelle situation - créée par l'arrogance du Chef de l'Etat congolais dont le discours prononcé à la veille de la rencontre a offusqué un bon nombre des Congolaises et des Congolais qui, après Gaborone, ne juraient que sur Addis-Abeba -, ne laisse pas bien augurer de la suite du forum congolais-congolais qui risque de tourner court.
Les dernières informations de la capitale de l'Ethiopie font état des « débats houleux et d'assistance clairsemée » d'où se dégageraient deux tendances : alors que l'une plaide pour le report du Dialogue, l'autre est en faveur de sa continuation. On y parle aussi de « fin de carrière de l'Accord de Lusaka ». Le « dialogue est dans l'impasse », entend-on dans les rangs de l'opposition armée...
« Hegel note quelque part que les événements mondiaux d'importance historique se produisent (...) deux fois. Il a, cependant, oublié d'ajouter : une fois comme (une) tragédie, une autre fois comme (une) farce. Caussidière pour Danton, Louis Blanc pour Robespierre... ». Nous ajoutons : Joseph Kabila pour Joseph-Désiré Mobutu.
En termes clairs, à l'époque de la Conférence Nationale Souveraine (Cns), le Président Mobutu s'était déclaré « au-dessus de la mêlée ». La suite est connue : prolongation sans fin de la transition, départ de Kinshasa au petit pied du « Grand Léopard »...
A la veille du forum congolo-congolais d'Addis-Abeba, le président J. Kabila, à travers son « message de refus », s'est dit, à son tour, « au-dessus de la mêlée », provoquant, en retour, la situation à laquelle nous assistons actuellement et qui, au risque de faire de redite, va réduire le Dialogue intercongolais , longuement attendu, à sa plus simple expression. Réduire le Dialogue intercongolais à un « conflit d'intérêts, de passions... », comme l'a fait le Président Kabila en se plaçant « au-dessus de la mêlée », au moment où le calvaire des populations congolaises est au summum équivaut à faire montre d'irresponsabilité.
Qu'on se le dise : le problème de légitimité du pouvoir actuel demeure aigu ; et pour cause. Le « nouvel ordre politique » sur lequel doit déboucher le volet politique de l'Accord de Lusaka signifie la mise en place, l'instauration d'un ordre nouveau, d'un ordre autre que l'actuel. Or, le Président Kabila a donné, dans sa dernière adresse à la Nation, sa lecture du « nouvel ordre politique » prévu par l'accord de Lusaka, nouvel ordre qui, selon lui, doit sortir des élections ( !). Autrement dit, c'est à l'issue de celles-ci que le peuple congolais, après s'être donné ses dirigeants, mettra fin à la guerre de légitimité. N'est-ce pas commencer par où l'on devait finir ou, comme on le dit habituellement, mettre la charrue devant les bœufs ?
Point ne nous est besoin de souligner que cette interprétation est abusive et en contradiction avec le texte et l'esprit de l'Accord de Lusaka qui parlent clairement de la mise en place de nouvelles institutions de la transition.
Cela faisant, il y a lieu de passer, ici, au coupe-coupe critique les gesticulations des uns et des autres « grands clercs ès choses juridiques » congolais qui - poursuivant, sans le vouloir peut-être, le relais de l'interprétation ci-haut -, n'ont de cesse de déployer - en vain, serions-nous tenté (s) de le dire -, de cyclopéens efforts en vue d'effacer d'un trait de plume la controverse sur l'illégitimité du « pouvoir-AFDL-CPP », incarné par le Président Kabila. En témoigne un article publié dans le quotidien congolais « The Post » du 12.10.2001, article dont l'argumentaire se veut l'expression manifeste de la « manière d'être » d'un certain « courant meneur » qui a pris, depuis la IIième République, naissance au sein des élites congolaises. Courant qui milite en faveur du suivisme aveugle et qui croît que ses qualités intellectuelles et spirituelles, ses vertus morales et éthiques ainsi que ses diverses capacités peuvent avoir de signification légitime et fière en dehors de la société dont il est le produit. Pour cela, il se refuse à admettre les réalités du moment et affiche une attitude de complexe.
Ici « attitude » est prise non pas au sens généralement limité - c'est-à-dire en tant qu'une disposition mentale et neurologique tirant son organisation de l'expérience et exerçant une influence directrice et dynamique sur les réactions de l'individu envers tous les objets et toutes les situations qui s'y rapportent -, mais à celui de polarité, c'est-à-dire de l'engagement par le pour ou le contre. Ce qui, ici, apparaît intéressant, c'est justement les faux prestiges et les mythes consolants dont cette couche sociale s'arme pour se déclarer de telle ou telle option et (pour) justifier ses fantasmagories conceptuelles. Il faut bien reconnaître que les opinions défendues par ce courant qui a tendance à s'identifier à « l'intelligentsia détachés » (« schwebende Intelligenz », K. Mannheim) doivent, pour requérir une quelconque valeur répondre à certaines exigences objectives suivant le temps et l'espace...
Berlin, le 18.10.2001