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Nous référant à K. Marx (« le 18e Brumaire de Louis Napoléon »), nous avions, dans un article intitulé « tragédie et farce de la politique congolaise » et publié, au mois d'octobre 2001, sous la rubrique « en français » de notre page Internet, constaté que l'histoire de la RDCongo est un perpétuel renouvellement : elle se présente, une fois, comme une tragédie ; elle se révèle, une autre fois, comme une farce.
La prestation de serment du Premier ministre élu par la Conférence nationale souveraine (août 1991-décembre 1992), M. E. Tshisekedi (UDPS), avait été, en son temps, marquée par un incident dont les conséquences négatives sur la transition sous feu le Président Mobutu avaient, entre autres, possiblisé la prise du pouvoir par la défunte AFDL. Nous remettons, ici, en mémoire la rature par M. E. Tshisekedi du passage du serment désignant le Président Mobutu comme « garant de la Constitution ».
Lors de la prestation de serment des Ministres et Vice-Ministres du gouvernement de transition, le vendredi dernier (18.07.03), leurs « Excellences » issues du MLC et du RCD-Goma ont voulu, à travers leur absence à cette cérémonie, manifesté leur refus de faire allégeance au Président J. Kabila. Nous leur donnons raison. D'autant plus que les textes de la Constitution de la transition et de l'Accord global et inclusif ne font point état de cette « cérémonie monarchique et anticonstitutionnelle », pour paraphraser, ici, le porte-parole du RCD-Goma, M. C. Kabasele Tshimanga, qui s'exprimait sur RFI/Afrique, le samedi dernier (19.07.03).
Par retour du courrier, le porte-parole du Président J. Kabila a déclaré, sur la même station radiophonique, que celui-ci a été, dès le début, contre la prestation de serment des Ministres et Vice-Ministres du gouvernement de transition au motif qu'aucun accord y relatif n'avait été conclu dans le cadre du Dialogue intercongolais (Sun City I et II, Pretoria...). Son adoption, aux dires du porte-parole du Président J. Kabila, se repose sur l'initiative de certains membres (zélés, aurions-nous ajouter) de la commission nationale de suivi de l'Accord de Pretoria.
Tout en admettant que les déclarations du porte-parole du Président J. Kabila soient vraies, il y a lieu de poser, tout d'une haleine, la question de savoir pourquoi le Chef de l'Etat congolais a, en dépit de son opposition initiale à cette cérémonie non-prévue par les dévolus du Dialogue intercongolais, accepté de recevoir le serment des Ministres et Vice-Ministres non issus des deux principaux groupes (ex-)rebelles. Serait-ce le résultat recherché pour lui-même. De là à dire que le Président J. Kabila est tenté de copier l'ex-maître de Gbadolite, il n'y a qu'un petit pas que les données factuelles poussent plus d'un observateur à franchir par petites touches répétitives. Nous est-il utile de rappeler que ce cérémonial avait été institué par la régence dictatoriale du parti-Etat (MPR) et de son Président-Fondateur !
Qui plus est : n'est-ce pas ce qu'affirme indirectement le directeur de cabinet du Président de la République lorsqu'il parle d' « exercice devenu rituel dans nos mœurs politiques... » ? Oublierait-il pour les besoins de la cause qu'il tente, en vain, de défendre qu'un des objectifs de l'Accord de Lusaka (1999) était et est l'institution d'un nouvel ordre politique en RDCongo - c'est-à-dire un ordre différent de celui qui avait pignon sur rue sous Mobutu et auquel l'on cherche, à tout prix, à redonner droit de cité ?
Nous trouvons-nous, ici, devant une « tragédie » ou une « farce » ? A chacun de donner la réponse qui lui convient...
Bien que les Ministres et Vice-Ministres du MLC et du RCD-Goma aient, après l'incident ci-haut signalé, déclaré que leur absence à la cérémonie de prestation de serment ne remet pas en cause le gouvernement de transition, force est, cependant, de constater que le premier conseil des Ministres qui devait avoir lieu le samedi dernier (19.07.03) a été annulé - en attendant que l'harmonie ne soit rétablie.
Le fait que J. Kabila ait été, à la faveur de l'Accord global et inclusif, reconnu par tous les protagonistes congolais comme Chef de l'Etat congolais, ne lui attribue pas - fût-ce par application de la formule « l'Etat, c'est moi », formule chère aux Présidents africains -, la qualité d'une Institution de la République. Ce disant, nous plaidons en faveur du changement de la formule « je jure allégeance au Président de la République » par celle, conforme aux principes démocratiques, « je m'engage à respecter les lois et la Constitution de la République ».
Nous avons toujours cru que le temps des « hommes forts » est à jamais révolu. Le temps actuel est celui de la primauté du droit sur la force et de la primauté du libre choix sur la servitude. Autrement dit, ce que nous souhaitons, c'est l'avènement d'une ère nouvelle, celle de l'espoir, du salut pour la RDCongo, celle du combat intérieur, c'est-à-dire, en fin de compte, de la rencontre des âmes après le conflit des armes.
Berlin le 20.07.03