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Il y a un peu plus de trois semaines, la Monuc avait confirmé, pour la première fois depuis le « retrait » des troupes rwandaises de la RD Congo à la suite de l'Accord de Pretoria (automne 2002), la présence des éléments de l'Apr (Armée patriotique rwandaise) sur le territoire congolais. Plus exactement à Bunagana (Nord-Kivu), à quelques kilomètres de la frontière congolo-ougando-rwandaise.
Pour mémoire : aux termes de l'Accord de Pretoria, la RD Congo et le Rwanda ont convenu de collaborer dans l'espace qu'ils contrôlaient au moment de sa signature et avec la Monuc dans le cadre du programme DDRRR de sorte à désarmer les groupes armés et les rapatrier au Rwanda.
Par retour du courrier, le gouvernement congolais, à travers le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Antoine Ghonda, avait saisi le Conseil de sécurité de l'ONU pour condamner l'incursion rwandaise en RD Congo. Aux dernières informations, nous apprenons que la réunion du Conseil de sécurité du 05.05.04 s'est terminée sans résultat palpable quant à ce qui a trait aux mesures à l'endroit du Rwanda. Le Ministre congolais des Affaires étrangères et de la Coopération internationale attribue cet échec à « la cacophonie dans l'attitude des autorités congolaises... ». En termes clairs, il fait, ici, allusion à l'attitude peu responsable du RCD-Goma et, surtout, de son Président national, Azarias Ruberwa, qui, par surcroît, est Vice-Président en charge de la Commission « sécurité, politique et défense » du gouvernement de la Transition. Pour le Ministre congolais de l'Information, V. Kamerhe, la présence des troupes rwandaises sur le territoire congolais constitue une violation flagrante de l'Accord de Pretoria (2002) ci-haut cité et par lequel, au risque de faire de redite, le Rwanda s'était engagé à retirer son armée d'occupation de la RD Congo et Kinshasa, en contrepartie, avait promis de mettre fin à son soutien aux milices hutu.
Le silence du Parlement congolais par rapport aux déclarations belliqueuses des responsables rwandais étonne à plus d'un titre...
Sans tarder, le Rwanda a rejeté les accusations de la Monuc, accusations qui, à son avis, n'ont pas de fondements. Et J. Kabarehe, ancien chef d'état-major des Forces armées congolaises sous la défunte AFDL et actuel chef d'état-major de l'armée rwandaise de souligner : « nous n'avons pas traversé la frontière et n'avons pas l'intention de le faire ». Le Ministre rwandais des Affaires étrangères, Charles Morigande, a parlé, dans cet des choses, de « confusion » et de « mensonges » dans le chef des observateurs de la Monuc. Il s'était bien agi, aux dires du chef de la diplomatie rwandaise, des unités de l'armée congolaise commandée par quelqu'un qui parle le kinyarwanda.
Le dimanche, 02.05.04, le Président rwandais, P. Kagame, a enfoncé le clou. Dans une déclaration diffusée par la radio nationale rwandaise, le Chef de l'Etat rwandais a déclaré que son pays enverra de nouveau les troupes en RD Congo si la Monuc et le gouvernement congolais ne mettent pas fin à l'incursion des « forces démocratiques pour la libération du Rwanda » (Fdlr), installées dans la partie frontalière de la RD Congo, en territoire rwandais. Et le « génie des 1000 collines » d'ajouter : « nous le ferons au vu et au su de tout le monde » comme pour démentir les informations de la Monuc sur la présence des éléments de l'Apr sur le territoire de la RD Congo.
Point ne nous est besoin de remettre en mémoire que, depuis 1996 et jusqu'au « retrait » des troupes rwandaises de la RD Congo, le Rwanda avait, sans partage, occupé l'Est de la République Démocratique du Congo. Il continue à le faire, jusqu'à ce jour, par l'entremise de son filleul, le RCD qui, entend-on dire, s'est mué, depuis l'entrée en vigueur de la Constitution de la Transition, en parti politique congolais. La question qui s'impose et se pose est celle de savoir si le Rwanda et le parti cher à A. Ruberwa ont réussi à anéantir les milices hutu qui continuent à aller ça et là dans l'Est de la RD Congo. N'est-ce pas étonnant que le Rwanda qui, après l'entrée (en 1997) des troupes de l'AFDL commandées par les officiers rwandais dans Kinshasa, avait contribué, à dessein et avec succès, à la désintégration de l'armée zaïroise demande, aujourd'hui, au gouvernement de la RD Congo dont l'armée est à la recherche des voies et moyens de sa recomposition de s'aventurer là où il n'a pas, jusqu'ici, réussi ? Qui plus est : cette recomposition est mise à mal par le RCD-Goma, ventriloque du régime rwandais dans la contrée congolaise...
« Assurance » et « arrogance », tels sont les deux mots qui caractérisent le mieux l'attitude du Chef de l'Etat rwandais. « Assurance » et « arrogance » qui trouvent leur appui dans la faiblesse et l'incapacité - si le mot n'était pas très fort, nous aurions ajouté médiocrité -, des politiciens congolais qui, dix mois après la mise en place des Institutions de la Transition, demeurent divisés et insensibles à la réconciliation. Autrement dit, ils continuent à privilégier leurs égoïstes intérêts et ceux de leurs composantes respectives au détriment de ceux de toute la Nation congolaise. Nous en voulons pour preuves la mise en place dans la Territoriale annoncée, avec fracas, par le Chef de l'Etat congolais lors de son dernier périple européen au mois de février dernier et la restructuration et l'intégration de la nouvelle armée congolaise - mise en place, restructuration et intégration qui tardent à venir.
Qu'il nous soit permis d'épingler, en passant, la position du RCD-Goma par rapport aux gesticulations de Kigali. Position qui met à nu la propension des dirigeants de ce mouvement - A. Ruberwa, ci-devant Président et Vice-Président de la République en charge de la sécurité en tête -, à défendre les intérêts des agresseurs de la RD Congo. Dans cet ordre des choses, le Ministre congolais des Affaires étrangères et de la Coopération internationale parle de « travail de sape perpétré contre le Congo aux Nations Unies ». Pour le Chef de la diplomatie congolaise, la confuse situation créée à la suite de la conférence de presse du Vice-Président A. Ruberwa - dont il ne cite pas le nom -, a conduit le Conseil de sécurité de l'ONU à ne pas adopter une résolution interdisant au Rwanda d'envoyer ses forces armées en RD Congo. Pour la petite histoire : les attitudes du Vice-Président A. Ruberwa et de certains dirigeants de son parti s'appellent, sous d'autres cieux, « actes de haute trahison... ».
Les appels récurrents et frisant la pleurnicherie de ceux qui nous gouvernent, « sans délégation de pouvoirs » de notre part, cela s'entend, à la communauté internationale à chaque occasion où les intérêts supérieurs de la Nation congolaise sont en danger - communauté internationale qui se veut virtuelle et à géométrie variable -, n'ont jamais abouti en notre faveur ; et pour cause. Les diverses résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de Nations Unies depuis l'invasion de notre pays par ses voisins de l'Est n'ont jamais préconisé des sanctions concrètes à l'endroit de ces derniers. Cela étant, les « politiciens congolais » doivent changer leurs fusils d'épaule. Ce, en transcendant leurs divisions politiciennes du moment d'autant plus que le salut de la Nation congolaise passe inéluctablement par cet acte d'auto-dépassement. A défaut de cela, nous doutons fort de l'aboutissement heureux de la Transition qui doit nous conduire aux élections démocratiques, libres et transparentes.
Berlin le 9.4.2004