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Notre ami, le poète et écrivain congolais (Kinshasa), Muepu Muamba (Francfort-sur-le-Main) a bien voulu mettre à notre disposition ce texte.
A l'occasion du 44ème anniversaire de l'indépendance de la République Démocratique du Congo, des milliers de femmes de Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, à l'Est du pays, ont défilé dans les artères principales de cette ville. Elles étaient toutes vêtues et coiffées de noir, en signe de deuil qui les frappe dans la chair, des décennies durant. Elles scandaient : « Ils ont utilisé trois armes impitoyables: le fusil, la corruption et le viol ». Armes que la voyoucratie emploie depuis si longtemps dans cette région du monde.
L'annonce, par Luis Moreno Ocampole, Procureur près la Cour pénale internationale, de saisir la Chambre préliminaire de la Cour sur les crimes commis, au Congo-Kinshasa, depuis le 1er juillet 2002, date d'entrée en vigueur du Statut de cette Cour, a suscité, chez plus d'un Congolais, un sentiment d'incrédule stupéfaction. Voilà plus de quarante ans que les habitants de ce pays attendent ce moment.
Fin des années cinquante, au Congo Belge, tout était nouveau, beau et jeune. Le mot indépendance participait à cette somptueuse nouveauté. Il se scandait sur tous les registres, avec cette pureté de la jeunesse, dans les yeux, d'une terre si rajeunie. Sans que personne toutefois n'en sache vraiment toutes ses implications et sa véritable gravité. Les Congolais pensaient qu'ils avaient déjà payé, par les guerres de conquête coloniale, à l'histoire, un lourd tribut de sang, fondateur d'une nation. Ils se trompaient: le pire était encore à venir.
Ceux qui allaient assumer le destin de ce pays étaient tout aussi jeunes, sans aucune expérience des choses de l'Etat et, encore moins, des méandres tortueux de la fameuse communauté internationale. Ils étaient incertains de virginité et faisaient confiance au monde. Ils devaient vite déchanter et apprendre sur le tas.
Et parmi les leçons qu'ils assimilèrent rapidement, par mimétisme, se trouvent la corruption, l'escroquerie idéologique et la théorie du crime politique. Ainsi, certains apprirent très vite la perfection de l'alliance entre la rhétorique humaniste, démocratique et les ambitions politiques, d'autres, la perfection de la démagogie alliée à la rhétorique révolutionnaire. Depuis, c'est la débauche de mots et de crimes dans la région. Ils se commettent dans l'indifférence générale.
Le plus connu, presque fondateur, c'est l'assassinat de Patrice Lumumba et de ses compagnons. Un cas intéressant parce qu'il s'agit d'une sorte de coopération internationale entre une partie de l'élite congolaise et les démocraties occidentales. Ces dernières avaient accusé Lumumba d'être communiste. Elles l'avaient pourchassé à travers le Congo et puis sonné l'hallali.
Pendant plus de quarante ans, les partenaires à ce crime odieux ont menti avec un cynisme digne de la grande politique. Tous les exécuteurs meurent tranquilles, sans remords dans leur lit. En Belgique, vivent encore deux individus à qui le gouvernement belge de l'époque avait confié la haute mission patriotique de couper Patrice Lumumba et ses compagnons en morceaux et de les dissoudre dans l'acide. Pas de corps, pas de crime. L'un d'eux se vante de posséder deux dents de Lumumba. Il les exhibe, à chaque interview, comme d'un trophée. Culture. Civilisation.
Joseph Mobutu avait été à une bonne école, en la matière. Son initiation fut bien assurée par des maîtres compétents. Il est mort dans son lit, au Maroc, abandonné presque par tous ses protecteurs. Ils n'a pas été jugé pour un seul de ses crimes. Certains de ses collaborateurs, impliqués dans ces forfaits, vivent dans des pays étrangers, sans être inquiétés. Ils attendent tranquillement de revenir pour faire, de nouveau, la nouba.
Voilà qui explique le scepticisme des Congolais. Ils se demandent si c'est vraiment le début d'une nouvelle ère. Le doute est profond. Et ils continuent à compter les morts. Qui leur prouve que l'on veuille juger les criminels de ces deux années passées ? Alors que ceux de quarante dernières années n'ont jamais été inquiétés par personne.
Le Procureur Luis Moreno Ocampo veut, semble-t-il, aussi s'intéresser à l'Ouganda. Nous espérons qu'il ne va pas s'arrêter là. Il y a d'autres criminels dans la région et qui ont pignon sur rue : Angola, Cameroun, Congo-Brazzaville, etc… Et au Darfour, la fameuse communauté internationale, engluée dans les pétrodollars, exprime sa lente « préoccupation ». Mais vraiment bien lentement !
En 1948, l'ONU fit la proclamation de sa fameuse Charte des Droits de l'Homme. Restée toujours symbolique. Panache de l'humanisme. Esthétique des dupes comme la démocratie. Et qui avait cru que Nuremberg était un point de rupture entre le vieux monde, le vieux régime fait de crimes et d'impunité dont le sommet fut les chambres à gaz et Hiroshima, et le nouveau (monde) où triomphe la dignité de la personne s'est bien trompé. Plus de 50 ans après, les crimes et la rapine payent toujours aussi bien. Les femmes et les hommes sont humiliés, violés dans leurs droits, torturés à travers la planète. Ils sont victimes des brimades et des lois de plus en plus brutales et répressives.
Mais la création même de cette Cour est déjà, en soi, une avancée d'espérance. Nous espérons une vraie rupture. Certes, la voyoucratie élitaire va tout entreprendre pour empêcher son fonctionnement normal. Mais l'espoir est tenace comme la vie. Les femmes et les hommes de cette planète ne vont plus accepter de retourner à cette culture de soumission qui a duré tant de millénaires. Le mot dignité est en train de devenir plus qu'un slogan. Il commence à avoir de la consistance d'agir dans l'esprit de certains êtres.
Les Congolaises ont hurlé, dans les rues de leur pays, leur ras-le-bol : « Ils ont utilisé trois armes : le fusil, la corruption, et le viol ». Armes impitoyables dont la voyoucratie internationale se sert depuis que le monde est monde. Elle nous administre selon les mêmes procédés de faussaires et de tortionnaires.
Francfort-sur-le-Main, le 14.07.04
Muepu Muamba