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A la faveur du débat, en cours présentement au Parlement congolais, sur l'âge du candidat à la Présidence de la République, le "renouvellement de la classe politique" est devenu, de nouveau, le thème majeur et récurrent de la rhétorique, du discours et des discussions au sein des milieux politiques et intellectuels congolais. Je dis "de nouveau" parce qu'il avait déjà occupé le terrain juste après la prise du pouvoir par J. Kabila en 2001. "C'est notre tour maintenant…", entendait-on dire, à l'époque, dans les rues de Kinshasa, à l'intérieur du pays et dans la diaspora congolaise. Le "nous"désigne, ici, les" jeunes...".
Les "jeunes" ont-ils, par rapport aux "non-jeunes", de meilleures dispositions pour gérer les affaires de la Cité ? Sans pour autant être partisan du principe qui situe le pouvoir dans"... la personne de l'aîné de la lignée aînée et de la génération aînée..." - donc, de la gérontocratie -, et sans chercher à épiloguer sur l'éventuelle réponse à cette question, je me permets de rappeler, contrairement à ce que l'on avance par-ci par-là, que M. Joseph-Désiré Mobutu avait pris le pouvoir à l'âge de 32 ans. Une façon de souligner la situation désastreuse et l'état de délabrement total qu'il nous a laissés.
Bien qu'il soit dans l'ordre des choses que la jeunesse dont la fonction essentielle, à toute époque, est de représenter le pas suivant de l'évolution fasse valoir son droit légitime de s'impliquer dans la gestion de la chose publique, je suis d'avis que l'exercice et la jouissance des droits civiques, en particulier ceux d'élire et d'être élu, que le slogan susmentionné évoque ne doivent pas avoir pour conséquence inéluctable l'exclusion de ceux des citoyens qui n'appartiennent plus à cette catégorie d'âge. En agissant de la sorte, l'on risque de provoquer un conflit des générations, en ce moment crucial de l'histoire de notre pays.
Dans les pays dits de vielle démocratie, l'on observe que chaque grand parti politique est doté d'une organisation de jeunesse. Celle-ci sert de pépinière, de lieu d'apprentissage de la gestion de la chose publique à la génération future, montante. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'on ne s'improvise pas politique comme l'on ne s'improvise pas non plus charpentier ou maçon… Un long apprentissage est inéluctable. Notre pays où le "métier" de politique est ouvert à tout le monde semble faire exception en la matière avec les conséquences et les dégâts que l'on vit présentement...
En sus, dans ces pays, une certaine tradition, établie de longue date, fait que pour être élu Président de la République ou Chancelier, pour ne citer que ces deux exemples, il faut répondre à certaines exigences : par exemple, être désigné par son parti politique. Pour ce faire, il faut avoir fait, au départ, preuve ou montre d'une compétence avérée. Je m'imagine mal qu'un jeune Allemand d'une trentaine d'années n'ayant pas été Président du Parti, Ministre-Président d'un Etat fédéré ou chef du groupe parlementaire au Parlement fédéral ou de l'Etat fédéré soit élu Chancelier. Tout compte fait, les discussions sur l'âge du candidat à la Présidence de la République en RD Congo sont contre-productives, une perte de temps. Nos Parlementaires - de surcroît, non-élus par le peuple congolais -, auraient mieux fait de se concentrer sur l'essentiel. Le temps presse...
Le "renouvellement de la classe politique congolaise" que chacun de nous appelle de tous ses vœux doit signifier et déboucher sur la substitution des femmes et hommes politiques sans projet de société - ils sont légion en RD Congo -, par d'autres qui sont porteurs d'un programme d'action où plus que jamais l'Homme, et non la société, est au centre de la perspective.
Cela étant, le facteur "âge", dans son acception biologique ou chronologique, ne doit, dans cet ordre des choses, jouer aucun rôle. Il n'est pas inutile de rappeler, tout d'une haleine, la maîtrise de la gestion de la chose publique dont l'ex-Président sud-africain, Nelson Mandela, élu à la magistrature suprême à plus de 70 ans, avait fait montre. Il en avait été de même pour le chancelier allemand Konrad Adenauer (73 ans au moment de son élection comme Chancelier) et (pour) son successeur Ludwig Erhard (Ministre de l'économie à 52 ans et Chancelier à 70 ans). Ce dernier, me faut-il le rappeler, n'est-il pas, nonobstant son âge avancé, entré, dans l'histoire de l'Allemagne moderne, comme celui qui avait présidé le redressement économique de son pays ? Autrement dit, le problème, ici, est celui de la mise en œuvre d'un programme politique, économique et social qui, se référant à une hiérarchie des valeurs, doit se fonder sur des analyses concrètes de la situation à laquelle notre pays se trouve confronté.
La réussite d'un tel projet ne va point sans exiger que certaines conditions soient, au préalable, remplies. Il faut citer, parmi celles-ci, la perspective d'une lutte compétitive pour le pouvoir. Ce qui sous-entend une concurrence sincère et pacifique entre partis politiques dotés des projets de société qui prennent en compte les intérêts majeurs et les aspirations profondes des populations. En d'autres termes, le peuple congolais est de plus en plus, se veut insensible aux excès doctrinaires, à la démarche technocratique et aux discours ex-cathedra. Les Congolaises et les Congolais ont besoin d'un langage clair, qu'on leur dise la vérité sur ce qui est, sur ce que l'on peut faire et sur les efforts qui peuvent leur être demandés.
En retour, les "femmes et hommes politiques" congolais doivent se faire violence et avoir une démarche qui ne varie pas en fonction de l'air du temps, mais qui s'inscrit dans les réalités présentes. Une manière de poser - au-delà du projet politique, économique et social - le problème de l'émergence des valeurs nouvelles, de la modification des comportements et de la cohérence entre les pratiques quotidiennes et les idées que l'on défend dans les salons...
Berlin le 19.04.2005