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Il y a quelques jours nous posions, à haute voix et écrivions comme certains commentateurs qui suivent de près l´actualité politique en RD Congo dans la perspective des élections présidentielle et législatives à venir, la question suivante: « ... Katumbi éliminé d'avance sur décision du 'prince' - sans et hors mandat, allions-nous ajouter -, Jean-Pierre Bemba va-t-il réussir à dépasser le cap de la CENI dans la mesure où quelques voix au sein du FCC, se substituant à la CENI et à la Cour constitutionnelle, parlent déjà de son inéligibilité à la suite de sa condamnation pour 'subornation de témoins' par la CPI »?
Sans crier victoire et, surtout, sans suffisance, notre prémonition s'est confirmée. La CENI, commission électorale nationale « indépendante », vient de recaler 6 candidats, dont M. Jean-Pierre Bemba - ancien Vice-Président de la RD Congo (2003-2006), 2ième à l'élection présidentielle de 2006 et Président du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) -, à la présidentielle du mois de décembre prochain pour avoir été condamné à un an de prison et 300.000 EUR d'amende par la Cour pénale internationale (CPI) pour « subornation de témoin ».
Dans le même souffle, nous nous empressons de rappeler, en passant, que cette condamnation de la CPI sur laquelle prend appui la décision de la CENI est encore pendante, les avocats de Jean-Pierre Bemba ayant formé un recours devant la CPI contre ce verdict prononcé par la Chambre de 1ère Instance III de la Cour pénale internationale à l'encontre de leur client qui a été acquitté, en juin 2018, dans l´affaire principale, à savoir « crimes de guerre et crime contre l´humanité commis par ses troupes en République Centrafricaine », après avoir passé 10 ans en prison à la Haye.
Il y a quelques jours, un débat réservé aux experts en droit constitutionnel et aux non connaisseurs avait été ouvert, en RD Congo, à la suite des chuchotements en rapport avec l'« éventuel rejet » de la candidature de Jean-Pierre Bemba, débat portant sur la différence en matière de droit pénal entre « subornation de témoin » et « corruption ». Alors que les « communicants de la kabilie » n'y voyaient pas de différence, l'Opposition et, plus particulièrement, les ténors du MLC, faisant référence à la loi électorale, avaient tenu à rappeler que le corpus électoral parle de « corruption » et non de « subornation de témoin ». Une façon pour ces derniers de rejeter toute confusion entre les deux concepts … qui sont deux crimes différents dans le code pénal congolais.
Étant donné que les 6 exclus de la présidentielle de décembre prochain ont 48 heures pour saisir la Cour constitutionnelle, l'espoir est, en attendant, entre les mains de cette dernière pour nous éclairer de la différence - non pas sémantique, mais du point de vue de droit, entre « subornation de témoin » et « corruption ».
Cependant, sans être prestidigitateur, on serait tenté - à l'exemple de ce que cette Cour constitutionnelle, caporalisée à dessein et, de ce fait, réduite en chambre de résonance de la « kabilie », a rendu comme jugements, depuis son installation -, de croire qu'elle va « passer comme une lettre à la poste », la décision de la CENI - plus spécialement et pour rester dans notre propos, en défaveur, entre autres, de M. Jean-Pierre Bemba dont le dernier séjour en RD Congo avait occasionné des nuits blanches à la « kabilie » et à « ses chiens de garde ». Nous en voulons, parmi d'autres, pour preuve le refus opposé par le commissaire provincial de la police de la ville-province de Kinshasa au souhait de Jean-Pierre Bemba d'occuper la résidence familiale au motif que celle-ci se trouve non loin de la résidence du Chef de l’État - résidence par rapport à laquelle il n'existe, pourtant, pas un quelconque périmètre de sécurité...
Ce qui n'est pas sans nous, ès qualités non spécialistes en droit électoral, étonner, c'est de constater que, d'un côté, l'on ait, il n'y a pas si longtemps, renouvelé, tambour battant, le passeport diplomatique de M. Jean-Pierre Bemba, en sa qualité de membre de la chambre basse du Parlement congolais (Sénat) et, de l'autre, de voir sa candidature à la présidentielle du mois de décembre rejetée par la CENI. « L'article de la loi électorale » auquel se réfère cette dernière pour ce faire, « stipulant la nécessité de ne pas être condamné pour 'corruption' » - synonyme, aux yeux de la centrale électorale, de « subornation de témoin » - pour se porter candidat à la présidentielle, « s'appliquerait-il différemment selon qu'il s'agit d'une candidature à la présidentielle qu'aux élections législatives », pour reprendre, ici, le questionnement d'un compatriote en rapport avec le même sujet? L'interrogation vaut la peine, d'être suscitée après examen du cas de M. Kilolo, ancien avocat de M. Bemba auprès de la CPI, qui, condamné aussi pour « subornation de témoin »» par le même tribunal, n'a pas été invalidé par la CENI. Quid du mandat sénatorial de M. Jean-Pierre Bemba?
Au cas où la décision de la CENI serait confirmée par la Cour constitutionnelle, il y a d'évidentes raisons de craindre que la RD Congo ne bascule dans le grand inconnu. Très loin des élections inclusives et apaisées comme souhaitées par la majorité des Congolais, l´exclusion de Jean-Pierre Bemba, un des ténors de la scène politique congolaise doté d´une potentielle force de nuisance considérable, nous nous dirigerons certainement vers une insécurité qui, en retour, pourrait amener celui qui trône - sans et hors mandat, donc illégalement et illégitimement depuis fin 2016 -, à décréter l'état d'urgence et, en conséquence, à renvoyer les élections du mois de décembre prochain aux calendes grecques. Un calcul cynique, mais qui tient route. Et ici, sa fameuse phrase devant ses pairs à Windhoek (Namibie) - « comme je n'aime pas les adieux, je préfère vous dire à bientôt » – trouve son sens le plus profond...
A moins que ça soit une victoire à la Pyrrhus qui sonnerait le glas d´un système qui, toujours, a sous-estimé le rapport des forces et la dynamique sur le terrain.
« Let's wait and see... »!